Face à une classe II ou III, lorsque le traitement fonctionnel parfois nécessaire n’est pas tout bonnement oublié par le praticien, il est généralement prescrit avant le traitement mécanique. Une perte de temps pour Skander Ellouze, spécialiste ODF, installé à Tunis (CECSMO 86 à Bordeaux). Après deux années de recherche avec Orthoplus, il a été mis au point un dispositif d’éducation fonctionnelle utilisable de concert avec un traitement mécanique. Il le présentait le 26 mars à Paris devant un centaine d’orthodontistes.
J’ai récemment entendu dans un congrès un conférencier estimer que l’éducation fonctionnelle ne servait à rien. Le pire, c’est que personne dans la salle n’a réagi, s’est désolé Skander Ellouze, en ouvrant sa conférence. L’aspect fonctionnel comme parodontal d’ailleurs, devrait être systématiquement pris en compte par les orthodontistes. Pourquoi notre patient en est arrivé là ? Il y a encore beaucoup à faire pour convaincre les praticiens de travailler sur les dysfonctions, le placement de la langue ou les dysmorphoses oro-faciales ». Pour lui, comme pour Olivier Setbon, installé en région parisienne, intervenant « guest star » de l’après-midi, « l’orthopédie fonctionnelle, c’est de l’orthodontie ».
Tout simplement. Ce dernier l’a bien montré en exposant l’un de ses cas, traité au début des années 2000, avant qu’il n’abandonne sa vision « purement mécaniste de l’orthodontie » : l’infraclusion d’une adolescente, corrigée en multi-attaches. « Un cas d’école, un résultat optimal », explique-t-il en faisant défiler les photos. « Je la revois 5 ans plus tard, l’infraclusion a réapparu. Je n’avais pas pris en compte son trouble fonctionnel ».
Le Booster en attaque du traitement de classe II
Mais tous ceux qui proposent des éducateurs fonctionnels le savent, les résultats se font attendre. « Les patients sont souvent déçus, constate Skander Ellouze. Ils nous disent : “Ce n’est que ça votre traitement ?”. L’époque a changé. Nos patients veulent des traitements confortables et rapides. D’où le concept que nous avons mis au point, avec Orthoplus. Il permet d’engager un traitement fonctionnel en même temps qu’une correction mécanique de classe II ou III ». Le Class II Booster, c’est son nom, de taille universelle, il est muni d’un guide langue pour accompagner celle-ci contre le palais à chaque déglutition et l’entraîner vers la bonne position physiologique.
Un « lip bumper » renforce le tonus musculaire de la lèvre inférieure et le sillon labio-mentonnier. Une surélévation va décompresser les ATM. Des canaux arrondis et élargis permettent au patient de porter le dispositif même s’il est équipé de brackets et positionne les dents sur une forme d’arcade parabolique. Surtout, les échancrures des parties maxillaires et mandibulaires droites et gauches autorisent le positionnement des élastiques de traction et leurs ancrages. Ce dernier aspect du design est particulièrement important pour permettre l’utilisation simultanée du Class II Booster avec le système « Carrière Motion 3D » présenté par Skander Ellouze lors de cette journée.
Car si notre orthodontiste, chef de file des système d’ancrage squelettique, a, évidemment,
présenté quelques cas de classe II utilisant des mini-vis, il s’est longuement étendu sur le « Motion », système novateur dans le traitement des classes II et III.
L’effet Wahou ! du Motion Carrière
« Ici, on se focalise sur l’avancé de la mandibule. On traite d’abord le plan vertical avant le transversal, c’est le “Sagittal First”. Le système permet une correction par distalation des secteurs latéraux en masse tout en dérotant la première molaire maxillaire autour de sa racine palatine et en la redressant dans une position verticale correcte. Le design de l’appareil empêche toute rotation ou distalation excessives.
Les résultats sont spectaculaires. Il y a un véritable effet “Wahou !”, pour les patients comme pour nous, s’enthousiasme Skander Ellouze. En trois à quatre mois, à condition que le patient ait été observant sur le port des élastiques, on se retrouve sur une classe I que l’on traitera classiquement en multi-attaches ». Le Motion Carrière a été développé par Luis Carrière, orthodontiste en exercice à Barcelone. Cette mécanique d’élastiques intermaxillaires est composée de bras latéraux (colorés ou transparents) reliant, à droite comme à gauche, canine et molaire (3 à 6) ou prémolaire et molaire dans les cas avec canines incluses (4 à 6). Sur les canines de lait, au moins deux-tiers de la couronne doit être présente. Munis d’une rotule dans le secteur antérieur, ces bras sont fixés au maxillaire pour la classe II, à la mandibule pour la classe III. Des élastiques de forces variables (6 ou 8 onces), portés en permanence (hors repas), sont ancrés sur des attaches molaires (sur 6 ou 7 bas ou haut) et une gouttière thermoformée est portée elle aussi en continue. Le protocole d’élastiques est simple : le traitement est entamé avec des élastiques de force 1 (6 onces) pour un mois, puis poursuivi avec des élastiques de force 2 (8 once). « Pour un Motion court de 4 à 6 et une attache sur les 6 mandibulaires vous devez commencer par des élastiques force 2. Et pour les patients avec une forte densité osseuse pour lesquels il n’y pas de mouvements avec le protocole standard vous pouvez positionner deux élastiques pendant un mois », détaille Skander Ellouze.
Le praticien devra être méticuleux dans sa prise de mesure. Il existe en effet 11 tailles de bras de 13 à 23 mm. Les mesures se prennent à partir du point incisif médian.
Le collage après mordançage est classique.
Le Class I Stabilizer maintien
la relation d’arcade classe I
« J’installe le Motion, et je revois le patient 3 semaines après pour poser et adapter si besoin son Class II Booster », décrit Skander Ellouze. Lorsque la classe II disparaît, le Motion est déposé et la classe I est traitée en multi-attaches ou par aligneurs. C’est alors qu’entre en scène le Class I Stabilizer. Complément indispensable du Class II Booster, cet éducateur permet de poursuivre la correction linguale et maintien la relation d’arcade classe I en évitant l’utilisation d’élastiques. Il évite ainsi les récidives immédiates. Avec ce double système d’éducateurs fonctionnels couplé au Motion Carrière, l’ensemble du traitement est généralement terminé entre 12 et 15 mois. Les extractions sont évitées, sauf nécessité impérieuse. La coopération du patient est renforcée. « Nous, orthodontistes, sommes toujours à la recherche de solutions simples et légères pour les patients, en voici une belle », se ravit Skander Ellouze, « Elle complète notre arsenal et rétablit la performance médicale de l’orthodontie ».